Dix héroïnes, des années 1970 à nos jours

Il y a eu et il y a aujourd’hui des personnages féminins qui s’aventurent, se peuplent et se libèrent. Des héroïnes dans ce que ce mot a d’épique. Quand il a fallu choisir dix d’entre elles, des visages sont apparus. Des étendards bienheureux, très familières pour certains, dispersées au fur et à mesure des époques.

En guise d’introduction, la Carrie de Brian de Palma pourrait ouvrir le bal par son feu qui consume tout. Elle pourrait être la première reine du bal, celle qui a eu le mérite de faire sa propre robe, couleur et décolleté de son choix. Carrie/Sissy Spacek, faciès du paroxysme de la douleur adolescente, pourrait être le cri initial qui fait table rase pour les suivantes, dont les feux brûleront dans son sillage.

Regroupées ainsi ensemble, ces héroïnes sont devenues voisines, parsemant des cailloux de plus en plus gros sur l’architecture des représentations féminines.

1. MarieUne histoire simple de Claude Sautet – France, 1978

« Lâchez-la ! » répète depuis la plage une des amies de Marie à l’attention d’une autre, soutenue dans l’eau par un des hommes de la bande. « Lâchez-la ! », sinon elle n’apprendra jamais à nager toute seule. Les petites phrases chez Claude Sautet ne sont jamais vaines. Celle-ci est à l’impératif, et répétée, entendue mais non écoutée. Les mots volent chez le cinéaste, s’échangent, s’entrelacent, des lettres s’écrivent sans se finir. Puisqu’il sera question d’elles au pluriel dans ce texte sur des héroïnes, c’est plus que jamais une sororité qui se peint dans Une histoire simple, autour de Marie « pleine de grâce » souligne, moqueur, Serge, l’ex compagnon.

Cette sororité se peint, notamment, dans une scène où les femmes sont en cuisine. Nous sommes dans les années 1970. Cette pièce est chargée d’injonctions, lancées à la volée là encore, en plein dans une préparation à la levure. Plutôt mixeur ou tamis, à chacune sa méthode, ça va débattre et ouvrager à la main dans un même temps, l’air de rien. Cette scène, les femmes, amies, la même pièce de la maison, était déjà dans Vincent, François, Paul et les autres, et s’attardait pour un temps sur celles qui n’étaient pas dans le titre. C’est une reprise ici, ou une suite, toutes les comètes-personnages chez Sautet se suivent, se perdent et se rejoignent de films en films. Ici donc des femmes en cuisine forment le ballet foisonnant des injonctions collectives qu’elles rejouent dans leur propre intérieur : « Vous n’allez pas vous marier ? », « Tu dis ça mais tu t’es mariée comme les autres », « Il fallait pas faire d’enfants », « Tu donnes des leçons de quoi, toi » , « Qu’est-ce que tu sais de la vie des autres », « On essaye de t’expliquer qu’une femme c’est pas … », « Moi aussi, je suis une femme, vous me prenez toutes pour une espèce de … ! ».

Non sans rires mais aussi avec gravité,  l’une dit sans gêne qu’elle couche pour de l’argent et préfère cela à un ex-mari qui resterait trop longtemps. C’est comme si, dans cette ronde de mots assénés, la sororité se testait toujours, douce et violente à la fois, chacune possédant sa propre définition, sa propre liberté, ses propres insécurités. Un pot de sauce tomate clôt la scène en venant s’éclater au sol comme sur la robe blanche, et l’on s’amuse de l’hypothétique robe de mariée qu’elle aurait pu être, mince alors. Puis l’arrivée dans la pièce et dans le champ d’un des hommes accompagné de sa phrase de convenance, lui aussi : « Alors les fées du logis ! ». Un vaudeville du quotidien. Au milieu de toutes, Marie (Romy Schneider), silencieuse, à l’écoute de ces échanges. Elle sera très observatrice tout au long du film, ses regards soutenant les paroles que les autres ne finissent pas ou mélangent.

Et, dans le même temps, elle est profondément actrice, décideuse, certaine de ses choix. C’est son histoire mais elle est porteuse d’elles toutes. Les femmes gravitent autour de Marie. D’ailleurs, il y a toujours foule dans les restaurants, bars, maisons de Sautet. On file en voiture, on part en vacances ensemble, on se retrouve. De sa sagesse d’observatrice, Marie / Romy les illumine toutes (et tous), leurs petites faiblesses, leurs hontes, leurs maladresses et leurs douleurs. Elle est absolument une dans ce décor, pourtant Sautet prend soin de la filmer souvent devant des miroirs. Ainsi, elle n’est jamais figée dans une définition ou posture, à l’image de ce chignon qu’elle refait ou de ces cheveux lâchés après un coup de chaud ; jamais figée comme le sont toutes ces petites injonctions quotidiennes et sociales. Un reflet volontaire pour dire les multitudes en soi, touchant à la fois l’intime et les autres autour.

A-t-on beaucoup souligné à l’époque que c’était un film sur les choix d’une femme, ou est-ce passé discrètement entre un plat de lentilles et un dessert, comme l’échange entre Marie et George au restaurant ? Marie sera la première des héroïnes de notre panel, débutant Une Histoire simple avec une rupture et décidant de ne pas mettre au monde, pour mieux mettre en route une histoire qui lui correspond beaucoup plus. Sans nier le reste par ailleurs, à l’écoute de tous les bruissements autour, Sautet répète les convenances avec poésie dans son film, et donne à son personnage la liberté de créer son propre virage. Le buste haut, les yeux droits, le visage au soleil et plein : alors qu’elle n’a jamais cessé de nous regarder dans les yeux, Marie a trouvé sa juste posture. La posture de celle qui s’est accomplie et qui s’est remplie d’elle-même. D’ailleurs, Marie a toujours une faim de louve, « T’as de la chance d’avoir faim » lui dira Serge. Croquant dans la baguette de pain à peine sortie de la boulangerie, acceptant avec plaisir l’assiette que son compagnon de table est déçu d’avoir, répondant oui à l’invitation de son amie à lui cuisiner quelque chose ; tout le temps, oui, elle a cette chance d’avoir l’appétit de vouloir se remplir.

Une Histoire simple – Claude Sautet, 1978.

2. Francesca Sur la route de Madison de Clint Eastwood – USA, 1995

La route du titre (français) promet un film d’espaces. Ce sera celui-ci : où l’on va remplir son propre espace de vie, le réinvestir.

La première scène présentant Francesca (Meryl Streep) est une valse du foyer : tablier sur la taille, en plan épaules, regard assuré vers les quatre coins de la pièce, elle augmente un peu le son de la radio à l’écoute d’une chanson qui lui plaît. Elle gère la poêle bouillante et la place au centre de la table dressée. Le décor est posé. Elle appelle, les enfants, Richard, pour que ce cadre bien ordonné se remplisse. Gros plan sur elle, musique et poêle toujours. Plan taille, une première arrivée dans le champ : le fils. Et la porte claque derrière son passage. Sursaut de Francesca. Deuxième arrivée, le père, la porte claque une nouvelle fois. Troisième arrivée, la fille, qui change la station de radio. Champ-contrechamp, mère contre fille. On se met à table, on se moque d’une demande de la mère, on ne parle pas. Elle se relève, la sauce au frigo, valse toujours. La radio parle pour eux, et Francesca a le regard doux. La caméra s’attarde sur elle, seule dans le plan, le regard dans le vague, elle ne mange pas. Sublime scène de la vie quotidienne et de cette femme qui en est le centre.

La première rencontre avec Robert (Clint Eastwood) le voit arriver au loin à l’horizon, sur le chemin longeant sa maison. Plan de western avec elle en accroche, le cowboy arrive, descend de sa voiture. Il est perdu, ne trouve pas le pont qu’il cherche. « Je peux vous y emmener si vous voulez. » Le sésame est lancé, la messe est dite, le chemin s’est ouvert, le foyer va se repeupler. « Vers où va-t-on ? » demande-t-il. « – Vers les étoiles » aurait répondu Rose accoudée à sa calèche dans Titanic, dont nous parlerons juste après. D’ailleurs, les deux films, sortis à trois ans d’intervalle, partagent une même idée de transmission du récit de parents à enfants, un secret qu’on dévoile, par lettre ici. Francesca va, pendant quatre jours, aller vers un autre elle-même, se révéler, en croisant la route de ce photographe. Les enfants découvriront des clichés d’elle après sa mort, ne l’ayant jamais vue ainsi. L’idée d’une juste représentation est aussi dans le film de James Cameron, avec le dessin choisi par Rose et réalisé par Jack, puis par des photos également. Les belles idées centrales dans Madison sont celles de franchir – le pont -, de vivre, d’accueillir dans son espace, de choisir – même si c’est choisir l’habituel, le retour de la routine. La lettre adressée à ses enfants brise quelque chose d’enfoui et fait de Francesca une figure pivot pour les héroïnes d’après. Elle a rendu visible le feu qui s’agite au cœur du foyer.

Sur la route de Madison – Clint Eastwood, 1995.

3. RoseTitanic de James Cameron – USA, 1998

Titanic fut le récit du repeuplement d’une femme, alors que les cales du gigantesque bateau s’étouffaient d’eau. Qu’a-t-on vu dans ce film sorti en salles en grande pompe en 1998 ? Qu’a-t-on vu, pour certains, avec nos yeux d’enfants ? Une formidable histoire d’amour, la reconstitution d’un paquebot et d’un naufrage donnant le tournis. Certes. On a pourtant vu, aussi et surtout, le tremplin sous les pieds, chaussés de souliers vernis, d’une femme. Quelle chance alors d’avoir pu observer cela dans un blockbuster de cette trempe, dans un film pour lequel on a pu revenir en salles plusieurs fois de suite, chose rare encore maintenant. Une femme qui veut sauter de la proue, en pleine tempête intérieure, une femme qui finalement choisira la hauteur. Titanic est le portrait d’une femme qui va peu à peu s’emplir, se dessiner, sous les mains d’un passager artiste et observateur – sous les (vraies) mains d’un réalisateur qui a toujours su faire agir les femmes à l’écran, dans le sens noble de l’action, et d’abord pour elles-mêmes.

Rose (Kate Winslet) va se découvrir, s’enrichir de ses propres aspirations, rêves et envies, évoqués sous le soleil de la promenade de la première classe. Rose qui tiendra fermement une hache, malhabile dans ses mains, mais droite. Une grande et belle histoire de plus de trois heures, faite de promesse en l’avenir, de souvenir de révolte, de force de construction de soi. Vous qui êtes venus fouiller la carcasse du paquebot, écoutez le récit de floraison d’une femme, écoutez-la raconter comment elle s’est dénudée, jusqu’à porter sur ses épaules mouillées le manteau d’un autre, puis prendre le nom qu’elle s’est choisi. Pour montrer à tous, en 98, le portrait forcément gigantesque d’une femme qui fleurit, Cameron choisit, à sa juste mesure, la justement démesure d’un baraquement qui le fascine depuis toujours. Comme podium suffisamment solide (!) pour la grande Rose. Une construction fraichement sortie de sa conception, pour une jeune femme également à un pied de son entrée dans le monde. Passagère et navire feront le trajet ensemble.

Pour l’accompagner, une autre marche à son podium, marche d’escalier « vers les étoiles », un Jack, passager fantôme, qui aurait pu ne pas être là, ayant gagné son ticket d’embarquement au poker. Les deux brillent sur les affiches de tous les cinémas de l’époque : Jack Dawson n’est pourtant là que pour révéler Rose à elle-même : « Toi seule peut te sauver » lui dira-t-il. Rose s’est dirigée elle-même : elle n’a pas sauté de la proue, mais a sauté du canot de sauvetage ensuite, de 1ère en 3ème classe, elle a rêvé de galoper, de partir, elle a choisi son peintre, sa représentation d’elle-même ; elle a construit les images qui seront à son chevet à sa mort ; elle a tranché, plongé, couru ; un paquet de mouvements contre l’immobilité – les dangereux immobiles sont pêle-mêle cette mère sermonnant sa fillette de bien se tenir à table ; sa propre mère qui lui noue son corset et bloque sa respiration ; Jack menotté en fond de cale. L’immobile iceberg dans la nuit. Rose s’est dressée contre tout ça. C’est à travers ses yeux à elle qu’aujourd’hui il est nécessaire de revoir ce film. La 3ème classe et sa fête à la musique irlandaise passée à la postérité, c’est le ventre de Rose qui bout. C’est l’histoire d’un grand film, qui montra aux yeux de tous le refus d’immobilité d’une femme.

Titanic – James Cameron, 1998.

4. Cécilia, Lux, Bonnie, Mary, ThereseVirgin Suicides de Sofia Coppola – USA, 1999

En adaptant le roman de Jeffrey Eugenides et en gardant les jeunes voisins comme narrateurs de l’histoire des sœurs Lisbon, Sofia Coppola est dans la position d’observatrice. Observatrice de ces jeunes filles « en fleur » que des parents refusent de voir pousser et éclore – à l’instar, bien sûr, de ces arbres qui pourrissent peu à peu dans le quartier, que des agents d’entretien viennent déraciner, et qu’essayent de sauver les filles en se mettant en ceinture contre le tronc, chemises de nuit blanches serrées les unes contre les autres. Il faudra leur passer sur le corps. « Ils mourront de toute façon », dira le père, phrase sentencieuse, alors qu’une de ses filles s’est déjà donné la mort.

Cette position d’observatrice de la cinéaste est judicieuse pour raconter ces filles que personne n’est arrivé à comprendre. Les jeunes garçons du voisinage les voient comme des stickers à paillettes, toutes plus belles les unes que les autres. Ils cherchent pour leur part à les décrypter, lisant leurs journaux intimes, entrant en contact – codé – avec elles par l’intermédiaire du téléphone et de vinyles. Les parents, et surtout la mère, bouclent au contraire tout à double tour, ne laissant aucune espèce de langage se créer entre eux. On brûle les fameux vinyles, propices à l’acquisition d’un nouveau dialecte, propices à l’apprentissage. La mère ne connait rien de l’espèce menacée de grenouille dont lui parle Cécilia, peu avant son suicide. Le film observe ces gens qui ne comprennent pas les symboles du quotidien, espèce menacée ou arbres morts, qui sont partout, sous leurs fenêtres, dans leur maison. Ils sont de piètres prophètes sans interprétation. Ces symboles sont légion et échouent alors vers nous, en autant de petites touches d’ironie lugubre – l’ouragan sur l’écran de cinéma devant lequel se retrouvent Lux et Trip, les fauves du documentaire animalier devant lequel s’ennuie toute la famille. Les cinq sœurs finissent par créer un « pack », habillées de la même façon, qu’on appelle « girls », auquel on appose un autre pack « garçons » pour le bal de promo, peu importe qui sera le cavalier de qui, « on va tirer au sort », et ça joue au solitaire dans le salon en disant ça. On fait un pack de robes blanches trop longues. Nier et interdire le corps comme c’est le cas dans Virgin Suicides le fait devenir un amas indistinct et monstrueux, un enchevêtrement de membres alanguis et de cheveux blonds.

La réalisatrice américaine qui en est à l’époque à son premier film ne choisit pas le monstrueux du cinéma de genre. Ce n’est pas ici du sang de porc qui dégouline sur la reine du bal, mais des ballons qui tombent du plafond et qu’on réceptionne avec des petits tacs ! dans une semi obscurité légèrement inquiétante. Un bal pour un crépuscule d’adolescence, là où cet âge devrait être dédié à l’aube. C’est à l’aube, d’ailleurs, que se réveille Lux (Kirsten Dunst), toute seule sur la pelouse du terrain de foot, petite tache blanche dans la grandeur du plan d’ensemble.

Virgin Suicides – Sofia Coppola, 1999.

5. IvyLe Village de M. Night Shyamalan – USA, 2004

M. Night Shyamalan est un faiseur de groupes, un raconteur de familles. Ainsi, dans ses films, il y a toujours au moins un duo, un trio, quasi toujours le noyau d’une famille. Peut-être n’envisage-t-il jamais une nouvelle histoire par un être unique – même la Bête de Split, homme seul, est explosé à l’intérieur par plus de vingt identités. Shyamalan filme toujours les êtres ensemble, ou bataillant pour être réunis. Ses cadres sont là pour signifier la division et la réunion, de son premier film à son dernier, et même avec des comédiens très célèbres qui pourraient prétendre exister seuls dans le plan. Dans ces ensembles shyamalaniens, les chefs de file de l’histoire racontée sont des hommes – ce fait n’enlevant pas la présence, toujours, et comme un ancrage bien installé, d’une femme, mère, épouse, fille, adolescente, flic, psy…, telle la pépite irradiante Toni Collette à côté du duo Cole/Malcom de Sixième Sens. Exception faite d’un film, qui pourtant fait croire plus que jamais au film de groupe.

Le groupe extraverti, hors-norme car gonflé à l’excès dans un entre-soi, celui de la communauté d’habitants du Village, prenant tellement de place qu’elle fait disparaître le hors champ de la narration. Que fait Ivy, alors que les créatures de la forêt qui borde le village, tant redoutées, menacent de s’en prendre aux habitants ? Ivy (Bryce Dallas Howard) devient actrice à part entière. Aveugle, elle prend tout de même la décision de traverser cette forêt tant redoutée afin d’aller chercher des médicaments pour Lucius (Joaquin Phoenix), mourant. Les anciens lui donnent l’adresse à indiquer une fois arrivée hors de la forêt. C’est bien elle, seule, qui va traverser, bravant les pièges et, bien sûr, ces créatures qu’on ne nomme pas. Elle traverse. Ce mouvement de cinéma qui consiste à aller vers l’avant, se confronter à, résoudre, est essentiel dans notre étude des héroïnes au cinéma.

Ivy s’extrait un temps du groupe pour cette traversée solitaire, laissant les figures décisionnaires au village, laissant la peur derrière, laissant Joaquin Phoenix, acteur habituellement de premier plan, imposant, ici amoureux timide, parlant peu, puis alité et affaibli. La vue en moins, Ivy n’en est pas moins frondeuse, dans l’action. Elle trace le chemin, quand les autres se terrent. D’ailleurs, son nom complet est Ivy Walker. Le nom, aussi, est action.

Ivy a fait par ce geste décoller les croyances, elle a relié le village au monde. Sans jugement face aux autres néanmoins, n’ayant en tête que la guérison de Lucius. Shyamalan filme uniquement le chemin traversé par cette jeune femme, canne à la main, cape jaune sur la tête, comme bon faiseur de suspens qu’il est. D’acte de courage, le trajet d’Ivy dans la forêt se mue aussi en pur déplacement de temps et de récit : d’une époque moyenâgeuse en début de film, on passe au contemporain de notre monde actuel ; d’un récit fantastique et de ses monstres, on passe à la réalité d’un homme sous un déguisement. Ivy devient également balance du récit, transformation d’une histoire vers une nouvelle histoire, elle a désormais ce pouvoir extra-diégétique de faire bouger les récits.

Ayant découvert le monde extérieur au bout de la forêt, nous le faisant surtout découvrir à nous, spectateurs et spectatrices, elle est ainsi une passeuse de savoir. Ivy n’en fait pas moins le trajet retour, portée par ses convictions propres. Dans le tout dernier plan du film, c’est elle face caméra, alors que Lucius/Phoenix est hors champ. De lui, on ne distingue que le corps allongé sous les draps.  Les anciens, statiques, entourent le malade et font un point sur les évènements, se demandant s’ils veulent encore de cette situation. Au bout de quelques minutes, Ivy arrive, s’approche du lit et de la caméra. « C’est moi, Lucius ». Dans la profondeur de champ, la porte est ouverte. Elle occupe presque tout le plan, elle est la seule à avoir fait un mouvement décidé, et clame : « c’est moi ». Après ce trajet, tout restera possible, le chemin vers le savoir a été fait. Et l’héroïne s’est mû dans la fixité.

Le Village – M. Night Shyamalan, 2004.

6. La mèreMother de Bong Joon-ho – Corée du sud, 2009

La mère de Bong Joon-ho serait un peu l’exacerbation de certaines des femmes au foyer décrites ici. Elle n’a pas de prénom, toute chargée de cette fonction qui est aussi le titre du film. Implacable. Et pour cause, c’est l’histoire d’une maternité débordante. Si débordante et marquée qu’elle en deviendra monstrueuse. Elle n’a pas de prénom mais elle emplit tout le cadre de cette histoire d’enquête policière autour du meurtre d’une jeune fille. Son fils a été vu sur le lieu du crime quelques minutes avant. Elle va prendre la place des policiers, l’enquête étant rapidement clôturée car tout converge pour accuser son fils, benêt patenté, donc coupable idéal. Elle va chercher les preuves elle-même. Se cacher dans une armoire, être témoin des ébats des autres. Il y a toujours chez Bong Joon-ho cette façon de montrer les places de chacun dans la société, avec un soupçon d’humour. Il confronte souvent ces places / classes sociales en construisant une savante chorégraphie.

Qu’est ce qui s’inverse subtilement dans ce film, alors que cette mère a pris le statut d’enquêtrice ? Le bon usage du parloir. Alors qu’elle veut que la mémoire de son fils et de cette fameuse nuit lui revienne, c’est le souvenir d’une tentative d’infanticide qu’il lui fera exploser au visage. Il avait 5 ans. Elle a voulu les tuer tous les deux. Pendant une minute, il semble ne plus être le simple d’esprit qu’il est. Il semble avoir retrouvé une lucidité parfaite, un œil qui voit tout – alors qu’un coquard lui cache l’autre. Après cette révélation inattendue, elle lui propose une piqûre d’acupuncture qui lui ferait oublier « les mauvais souvenirs, les traumatismes ».

Cette femme à la maternité exacerbée aurait le pouvoir de faire oublier. Cacher, pour rendre meilleur et beau. Le personnage de cette femme dit différentes strates de la société, comme souvent chez Bong Joon-ho. Cette jeune fille assassinée était aussi une des strates de la précarité, sans proches autour d’elle. La mère ira voir cet autre homme que l’on accusera finalement car il est en bonne place pour l’être, et les rôles s’inverseront de nouveau : « Tu n’as pas de mère ? » lui dit-elle. Lui aussi a un cerveau abîmé. Il n’a pas pu être l’amoureux de cette fille, ce n’était pas sa place. Il n’aura pas eu de mère de premier plan, qui efface pour lui, brûle, fait oublier. Rehausse sa strate de misère pour le faire exister pleinement dans cet ensemble.

La mère est un mouvement fort et déterminé dans un système immobile. Cette idée est dans la toute dernière séquence, superbe : elle se pique à la cuisse pour, on le devine, oublier ses actes. Et elle danse, dans un couloir de bus. L’évanouissement du mouvement par l’oubli volontaire, superposé à la danse et la route qui file : dans la case des oubliés, elle est aussi au premier plan.

Mother – Bong Joon-ho, 2009.

7. Justine, ClaireMelancholia de Lars Von Trier – Danemark/USA, 2011

La jeune mariée de 2011 est dépressive. Ses pieds et sa robe meringue s’embourbent dans des fils gris qui l’entravent dans son élan. Elle a cette étrange capacité de ralentir l’image de cinéma, de la dilater. Elle nous regarde droit dans les yeux, en introduction. Les siens sont froids et perçants. En arrière-plan, loin derrière, des oiseaux morts tombent du ciel. Le portrait est lancé.

Les vignettes en mouvement lent placées en introduction sont presque des arrêts sur image, ou bien des personnages élastiques qui se tendraient. Une action que l’on voudrait stopper. Et pour cause, la planète Melancholia arrive vers la Terre. Elle a évité les autres astres sur son chemin, les scientifiques et prévisions diverses arguent qu’elle fera de même avec la planète des humains. Mais Von Trier est cinéaste. Il a le regard droit. Son expression est directe, et les yeux de sa mariée voient : Justine (Kirsten Dunst) est prophète. Ils savent tous les deux que l’arbre social, celui des conventions et du bonheur apparent, cache la forêt mentale. Justine voit les étoiles dans le ciel avant d’entrer dans la salle pour la cérémonie. Elle avait deviné le nombre gagnant de la tombola. Elle a toujours vu les oiseaux morts dans sa tête. Elle a ce goût de cendres dans la bouche quand d’autres dégustent du pain de viande. Elle ne voit que sa propre planète qui porte ce qui serait son deuxième prénom. Les autres ont besoin d’une longue vue. Bel écrin que le cinéma pour donner à voir, à tous, cette planète mentale.

Lars von Trier, parfait cinéaste pour faire entendre les saturations, les vifs, la ronde de tout un chacun en premier acte, et trouver en deuxième partie les silences, le blanc, les peaux, l’attente. Extrêmement belle idée d’apposer à Justine une sœur, Claire (Charlotte Gainsbourg) en chef d’orchestre du mariage, puis en preneuse de conscience de la météo environnante et de l’inéluctable, dans le dernier acte. Justine est le centre d’attention, la fêtée, la reine de la cérémonie. C’est Lux de Virgin Suicides qu’on retrouve, qui aurait grandi peut-être, toujours en robe blanche. Terrain de golf immense ici, contre le terrain de foot de 2000. Dunst en princesse déchue de l’aube, deux fois en dix ans. Dont la limousine peine à manœuvrer dans un virage et fait arriver le couple en retard. Une nouvelle annonce de la suite : la direction voulue ne sera pas suivie. La mariée ne veut pas sortir, elle se réfugie ailleurs à plusieurs reprises, part en voiturette de golf. Elle est ces chevaux qui attendent dans les écuries, affolés à l’approche de Melancholia, puis très calmes à quelques minutes du terme. Claire est les rênes. Elle note, prévoit : couper le gâteau, lancer la danse. Elle écoute, commande le taxi pour sa sœur. Elle prépare le petit-déjeuner d’avant fin du monde. Elle a toujours vu et compris la dépression de Justine. Elle va l’assumer d’autant plus en fin de récit, accueillant dans un dernier élan la grêle sur ses épaules. Là où Justine s’irradie, nue et en pleine nuit, par un shoot de lumière venue des rayons de sa planète-jumelle. Une planète réfléchissante pour deux sœurs, l’une Lune, l’autre Terre. Deux héroïnes capables de regarder en face le cataclysme. C’est à la fois une clairvoyance précieuse offerte à des personnages de fiction et un geste fort de cinéaste. Montrer ce qui est « caché derrière le soleil », faire regarder à ce point plein écran les orages intérieurs, lier par un film les deux sens d’un mot désignant à la fois un phénomène météorologique et mental – une tempête a-t-elle déjà pris le prénom Justine ? – ; faire de la dépression d’un être un récit prophétique, à l’échelle d’un Monde, et la mettre en scène avec autant de douceur et d’angoisse.

Si l’on cherche une héroïne remplissant l’écran des années 2010 de sa lumière intérieure, et accueillant par la même occasion l’ombre qu’elle porte en elle, c’est bien Justine, accompagnée de sa sœur, dans Melancholia, éclipses et météorites réapparaissant à l’occasion de l’intégrale Lars Von Trier proposée en salles en cet été 2023.

Melancholia – Lars Von trier, 2011.

8. MargotTake This Waltz de Sarah Polley – Canada, 2011

Même ronde des fourneaux pour présenter Margot (Michelle Williams) et Francesca dans Sur la route de Madison. La caméra est particulièrement proche de la jeune femme ici, montrant ses pieds nus sur le sol, le tablier plus long que sa jupe, sa peau qui goutte près des vapeurs échappées des plats. On dévoile brièvement un homme entrant dans le champ, mais on reste sur cette femme qui colle son visage contre la vitre du four, nous lançant presque un regard caméra. Comme dans Madison, l’air est chaud, le ventilateur tourne en boucle dans la maison de Margot. Comme dans Madison, l’histoire parlera de choix. De routes qui se croisent. D’une rencontre et d’un avion. D’un nouveau voisin sur le trottoir en face. Margot dira « J’ai peur des correspondances » en début de film, comme pour déjà tout raconter. Une histoire de choix, mais surtout aussi de possibilité de désirs. L’histoire se joue précisément entre le foyer familier et l’inconnu. Entre le vieux et le neuf, et chaque femme a son avis sur la question – voir la douche collective après la séance d’aqua gym. C’est Margot qui sera maîtresse de sa direction, malgré sa peur. Elle est, en début de film, chargée de l’écriture d’un dépliant pour un parc de reconstitution médiévale. Elle assiste d’ailleurs à la lapidation ‘en costumes’ d’un homme, pour adultère. Ironique présage. Qu’écrira-t-elle donc dans son propre dépliant après cela ?

Daniel, qu’elle rencontre lors de cette reconstitution puis dans l’avion, est conducteur de rickshaw. Lou, son mari, fait mijoter à longueur de journées son poulet, pour le livre de cuisine dont il peaufine l’écriture. Deux mouvements distincts, et Margot au milieu, qui oscille entre la maison bien installée dans ses casseroles fumantes, ses photos accumulées au fil des années et le trottoir d’en face, son avenir imaginé, ses fantasmes de 2040. Entre les cadres fixes d’un mari et de ses lubies, de fenêtres qui laissent se voir mais plus s’entendre, et un panoramique de caméra se faisant ronde passionnelle, réinventant son intérieur, ses désirs et sa décoration, pour un temps en tout cas.

Ce n’est bien qu’à Margot qu’appartiendra le choix du mouvement. Le décor. La chaleur. La sueur, la bonne température d’un plat, à faire mijoter ou pas. Le désir est un manège. Margot rejoint également Marie/Romy, l’héroïne de Claude Sautet, dans le dernier plan qui la voit tanguer, pleinement, libre de sa direction. Margot c’est aussi Michelle Williams, la Jen Lindley qui arrivait en plein été à Capeside (Dawson), suscitant les (nouveaux) désirs, de qui on se jouait beaucoup par la suite, et surtout, qui voulait aimer follement. Le film déborde de la justesse de ces incertitudes, ces petits bonheurs, le plein du quotidien et les fulgurances des correspondances possibles de la vie d’une femme.

Take This Waltz – Sarah Polley, 2011.

9. MaudSaint Maud de Rose Glass – Royaume-Uni, 2020

Maud est l’avant-dernière héroïne de notre panel cinématographique, et peut-être la plus mystérieuse. Pourtant, Saint Maud est un formidable film d’intériorité, si bien que l’on pourrait tout comprendre d’elle.

Elle nous est offerte comme elle s’offre tous les jours à Dieu : Maud (Morfydd Clark) est très pieuse. Les prières, le temps comme l’espace accordés à son Seigneur, sont immenses. Sauf que le film de genre offre aussi des tiroirs, dans la narration, dans les représentations et dans les lieux présentés. Là où se niche la croyance de Maud se niche aussi son infinie solitude. Elle nous est palpable tout au long du film, dans les beaux plans d’ensemble de l’héroïne en ville, dans les travellings qui la suivent sur les trottoirs, manteau serré, sac contre l’épaule, cheveux noués. Maud rejoint les autres femmes évoquées ici par son sacrifice, sa douleur béante, néanmoins elle est totalement à part, dans l’iconographie qu’elle crée – et dans le cinéma en général, Rose Glass reste à ce jour une des cinéastes dont nous avons le plus hâte de la suite.

Si le passé de Maud n’est pas totalement connu, si ses contours intérieurs ne sont pas tous dévoilés, si sa croyance n’est que pour elle seule, elle nous apparaît pourtant dans une profonde proximité. Les autres héroïnes qui nous ont occupé jusqu’à maintenant se sont libérées pour la plupart, ont trouvé un chemin ; Maud est entrée en communion avec elle-même. En toute radicalité. Jouissant dans l’escalier, crevant ses pieds dans ses chaussures, confectionnant sa robe de communion. Un des tous derniers plans du film offre des spectateurs à cette intimité le temps d’une image presque subliminale, comme des disciples. Des fidèles en sa propre église. Et nous, au spectacle de cette plage de feu intérieur ; de cet espace mental qui n’est habituellement pas accessible.

Maud est une église. Rares sont les portraits de cinéma avec une voûte aussi immense et implacable. Le titre l’iconise en effigie religieuse, le film parle surtout de désirs fichés dans le corps, d’angoisses tortueuses, de l’errance d’être dans le monde. Il met un personnage face à lui-même plus que jamais, puisque les voix qui lui répondent, le Diable qui lui apparaît sont à elle, non partagés aux autres. Ce Diable n’apparaîtra qu’une seule fois, s’incarnant sous les traits d’Amanda, une ancienne danseuse de qui elle a eu la charge, veillant à ses soins quotidiens. Amanda est fragilisée par une maladie qui l’oblige à rester chez elle. S’instaure peu à peu entre les deux femmes une réelle complicité. Maud est très vite fascinée, séduite, par cette femme qui est aussi son opposée, festive, sexuée, ayant fait de son corps son métier. Ce n’est pas un hasard si sa vision choisit cette figure féminine pour survenir : c’est une personnalité, un mode de vie qu’elle censure pour elle-même.

A part ce Diable, il n’y aura jamais de vision à l’écran de ce qu’elle voit, simplement elle qui se meut dans le monde. Et elle irradie. Cette justesse dans la représentation de ce face-à-face intérieur, féminin et puissant, mis à jour par le genre de l’épouvante, est bouleversant de nuances et donne à Rose Glass l’immensité des possibles pour celles qui viendront après, héroïnes comme faiseuses.

Saint Maud – Rose Glass, 2020.

10. CharlotteSamhain de Kate Dolan – Irlande, 2022

Cela se passe de femmes à femmes dans Samhain. C’est une belle façon de clore ce texte sur les héroïnes. De la grand-mère à la mère et la fille, on se passe ce qui serait un mauvais sort, une tradition ancrée, qu’on veut abjurer en introduction (ouverture sidérante) par le feu.

Charlotte (Hazel Doupe), dite Char, la fille, porte cet ancrage sur elle, une tache de naissance sur la pommette, dont ses camarades de classe se moquent. On l’a placée, bébé, au centre d’un cercle de feu, la tache viendrait de là. La place des héroïnes serait-elle encore un labeur ? Très possiblement, et même de femme à fille donc. La grand-mère de Char fait office de pierre traditionnelle, inéchangeable, dans le foyer. La mère est en proie à une violente dépression. C’est l’adolescente qui doit lui dire de la conduire au lycée, de faire les courses. On rencontre Charlotte à cet endroit précis où quelque chose se joue, où quelque chose transite. Il y a d’ailleurs pléthore de portes dans le film pour donner à voir cette idée : des portes qu’on ouvre, qu’on n’ose pas ouvrir, depuis lesquelles on toque, desquelles on s’enfuit, par lesquelles on accueille ou refuse d’accueillir.

La mère disparaîtra du foyer en début de film. Si la grand-mère est un roc, sa fille se délite dans cet état impalpable qu’est la dépression. Son corps même se déforme, sans jamais aller jusqu’aux extrêmes qu’on peut croiser dans le cinéma de genre : elle se courbe, se fait vomir, danse soudain et réactive celle qu’elle était avant, la mère douce et solaire. Quand elle hurle dehors, cela passe inaperçu car c’est soir d’Halloween. Charlotte est aussi dans un état qui s’apparenterait au délitement, à l’étirement. Elle est à l’aube de l’adolescence, le film souligne cette aube en se déroulant à une entre-saison, lors du ‘samhain’ irlandais, la fin de l’été et le début des hivers. Cette saison lui colle donc d’emblée à la peau.

Elle n’est pas comme ses camarades d’école, pourtant elle a un an d’avance, est bonne élève. Elle se lie d’amitié avec Suzanne, qui résume également parfaitement ce transit, cette entre-saison : amie avec les filles populaires du lycée, elle ne veut pourtant pas encore délaisser le costume de l’enfance (son costume squelette porté pour Halloween). Elle porte le même collier que sa mère morte, qu’elle n’a pas connue. Elle aussi, comme Charlotte, traîne une chose d’avant. Les deux amies s’entraident dans ce transit ; elles passent un mur, une porte, parlent des mères. Sans pour autant penser à partir, comme Suzanne le suggère à Char. Il s’agit surtout dans Samhain de laisser entrer les mères, les accueillir et continuer. Pour Suzanne, dans une brève séquence où sa défunte mère lui apparaît derrière son épaule, dans la maison de son amie. Pour Charlotte, dans une séquence superbe où elle enlace sa mère, dans l’abri de bois disposé là pour le feu traditionnel irlandais.

Soudain tout se tait autour, et elle enlace quelqu’un qui « n’est pas sa mère » – réplique qui est aussi le titre original du film. Et pour cause, elle enlace à ce moment-là la dépression de sa mère, son vrai visage de douleur, monstrueux, celui qu’on ne voit jamais – quand Justine faisait face, dans Melancholia, à une planète au-devant de la Terre, monstrueuse boule d’angoisse grandissant au fil des jours. Charlotte va d’un été à un hiver, de porte en porte, de bûcher en feu de joie, et c’est elle qui, dans le dernier plan du film, donne le talisman fabriqué par sa grand-mère à sa mère : « Il te protégera ». Il n’y a pas d’âge pour comprendre le feu en soi.

Belle dernière héroïne, à l’aube de l’âge adulte, dans les couleurs de l’automne, qui rassure les mères, transmet les reliques du passé, tempère l’arrivée de l’hiver et se place dans cette zone intermédiaire, celle, subtile, entre d’où l’on vient et ce qu’on sera. Conclure ce texte par l’aube de Samhain est une promesse pour la suite : on ne renie rien de l’avant, on montre le feu intérieur qui dévore et on passe les portes.

Samhain – Kate Dolan, 2022.

Cette mélopée vaut pour toutes celles dont nous avons parlées. C’est le parcours d’Ivy en forêt, dans Le Village. Char venge Lux et ses Virgin Suicides de sœurs, en continuant son histoire. Elle assagit Carrie au bal du diable, en domptant le feu. Romy, Meryl et Rose sont des figures célèbres dans le paysage culturel, les petites dernières Maud et Charlotte sont plus confidentielles, incarnées par des actrices inconnues et dont les films ne sont quasi pas sortis en salles, hors Festival. Elles disent toutes, à leur manière, chacune à leur époque, quelque chose qui grandit, une chose plus grande que leur récit propre. Et l’on s’en réjouit.

Charlotte Bénard

2 réflexions sur “Dix héroïnes, des années 1970 à nos jours

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