Smallville

Lorsqu’on a un coup de coeur inattendu pour une série, il est facile d’angoisser au moment d’en parler, par crainte de ne pas trouver les mots justes. Smallville est plutôt destinée à un public adolescent et peut donc suggérer une forme d’insouciance, une certaine légèreté. C’est bien toute la jeunesse de Superman que l’on y raconte, de son arrivée sur Terre à son évolution vers son avenir légendaire de défenseur du monde et de ses habitants, mais les thèmes profonds qu’elle aborde sur dix saisons l’extraient de ce carcan.

Smallville est une petite ville agricole du Kansas dont les champs de maïs s’étendent à perte de vue. Sa tranquillité est rompue le jour où une pluie de météorites s’abat sur elle, avec de sérieuses conséquences sur ses habitants et ce, à long terme – à cause du minéral qu’elles renferment, la kryptonite verte, rien ne sera plus pareil au sein de cette bourgade.

Cette pluie amène aussi en plein Kansas un vaisseau spatial avec, à son bord, le dernier survivant de la planète Krypton. L’occasion pour le public de faire en même temps connaissance avec Martha et Jonathan Kent, couple de fermiers qui n’ont jamais pu devenir parents et rentrent chez eux avec l’enfant, véritable don du ciel. L’introduction de tous ces personnages nous vaut une très belle scène, où Martha dit à son mari : « C’est lui qui nous a trouvé, Jonathan ».

En parallèle, le magnat industriel Lionel Luthor, qui a implanté un complexe de la Luthor Corp dans le secteur, arrive en hélicoptère avec son jeune fils Lex à qui il donne, d’ores et déjà, des leçons d’éducation très strictes. Lex lui-même subit d’ailleurs les conséquences des météorites : l’enfant, très choqué par ces visions d’apocalypse, perd ainsi tous ses cheveux à l’âge de 9 ans suite à la catastrophe.


Le pilote de Smallville est une grande réussite, tant il nous met rapidement dans l’ambiance générale du show. Efficacement, la série prend ses marques en faisant le tour des principaux personnages. La ravissante Lana dont Clark est follement amoureux ; Pete, le meilleur ami de Clark ; Chloe, dernier membre du trio et rédactrice en chef de La Torche, le journal du lycée. Fascinée par les phénomènes étranges qui rythment l’existence de la ville, Chloé a édifié ce qu’elle nomme “le mur du bizarre”, collage de photos et d’articles recensant les gens contaminés par la kryptonite, et les phénomènes étranges qui en découlent.

Fil rouge narratif, Clark et Lex vont se lier d’une grande amitié à partir du jour où Lex, qui a pour habitude de conduire des voitures de luxe à grande vitesse, a un accident et tombe d’un pont en heurtant Clark, qui en sort sans une égratignure après avoir sauvé Lex de la noyade. Le début d’une relation touchante et d’une grande aventure, véritable challenge de la part des scénaristes tant Lex Luthor est connu comme l’ennemi juré de Superman. Le défi scénaristique, largement relevé, est de plus très riche en rebondissements.

Tout au long de la série, l’antagonisme entre la famille Luthor et la famille Kent est ainsi développé. Côté Kent, famille très aimante et honnête, les parents trouvent toujours les mots justes face à Clark, souvent perdu quant à ses origines et ses pouvoirs. En quête d’identité au travers de sa crise d’adolescence, son père et sa mère sont l’opposé du machiavélisme, de la rigidité et des secrets familiaux des Luthor.

Mais aussi rude soit-elle, la relation père-fils des Luthor fait le sel de la série. Lex a perdu sa mère très tôt dans des conditions dramatiques et la mort de son petit frère, Julian, évoquée à maintes reprises, pèse beaucoup sur lui. Son père, Lionel, en profite pour le culpabiliser, exerçant une influence dévastatrice sur son successeur. L’écriture, couplée à l’excellente interprétation de Michael Rosenbaum et John Glover, donne la sensation constante d’une rivalité industrielle plutôt que d’une relation filiale. Lionel Luthor, par un chantage abject dont il est coutumier, va même jusqu’à faire pression sur Chloe pour obtenir ce qu’il veut d’elle.

Chloe, qui dirige La Torche et sera amenée à occuper un poste plus intéressant, fait toutes les recherches nécessaires sur les événements hors du commun qui ont cours à Smallville, manquant souvent de découvrir la vérité sur les Kent. Ses sentiments pour Clark sont d’ailleurs si forts qu’elle prend ombrage de son amour pour Lana, jeune femme qui de son côté tisse des liens très intéressants avec Lex Luthor – ce dernier l’aide même à créer le Talon, café qui devient vite un des lieux stratégiques de Smallville, comme le Bronze dans Buffy contre les vampires. L’incertitude de Clark vis-à-vis de Lana, couplée au vide affectif de Lex Luthor, créé une dynamique émotionnelle qui rend attachant l’intégralité du petit groupe.

Tout au long de Smallville, les épisodes traitent de sujets universels, en premier lieu l’adolescence et la différence. Malgré le soutien de ses parents, Clark, enfant adopté doté de super pouvoirs, ne cesse de se poser des questions sur la place qu’il occupe dans cette communauté lycéenne puis étudiante, qui sont autant de microcosmes sociétaux. Côté Luthor, la série illustre combien l’éducation peut avoir de graves conséquences par manque d’amour et de communication. Une thématique qui trouve écho jusque dans la kryptonite elle-même. Métaphore et catalyseur des passions humaines, la roche verte n’est pas seulement un poison pour Clark, mais l’élément conducteur du bouleversement des personnalités de certains habitants, quand elle ne forme pas une menace pour leur santé mentale.

A chaque épisode, la question de la confiance est également posée. Clark ne révèle son lourd secret qu’à Pete. Lex cache à Clark ses recherches sur l’accident qui a scellé leur rencontre et sur la famille Kent, puis promet à Clark de fermer ces dossiers, sans pouvoir ensuite maîtriser cette obsession. Lex, en perdant son seul grand ami, va basculer malheureusement du côté obscur, assurant la victoire de l’éducation tordue de son père qui, comme le disait si bien sa mère, lui a « érodé le cerveau »

Pour Lex, Clark était une bouée de sauvetage, il lui vouait une grande admiration et enviait la bienveillance dont fait preuve son entourage. Cet aspect est rendu encore plus sensible grâce aux flash backs sur l’enfance et l’adolescence de Lex, bouleversants et passionnants à plus d’un titre. Michael Rosenbaum a su rendre à la perfection toutes les facettes de Lex Luthor. Ainsi, on ne peut que s’attacher à lui même si, on le sait d’avance, il deviendra un vilain parmi les plus célèbres des DC Comics. En face, John Glover incarne un Lionel Luthor magistral. Ce duo, devenu mythique au fil des rediffusions, est un pivot de Smallville

Côté casting, il faut également saluer le sublime trio familial des Kent : Jonathan, Martha et Clark. John Schneider et la délicieuse Annette O’ Toole sont géniaux dans le rôle des parents, face à un jeune Tom Welling qui semblait tout timide à ses débuts, et prend de plus en plus d’assurance au fur et à mesure que Clark développe ses pouvoirs – les dernières saisons de Smallville s’attardent davantage sur le super-héros qu’il devient, entouré de tous ses acolytes. Mention spéciale, aussi, à James Marsters dans le rôle du Professeur Fine, alias Brainiac. Connu pour le rôle de Spike dans Buffy, le comédien campe ici un robot extraterrestre aux desseins funestes. N’oublions pas non plus Erica Durance, superbe et talentueuse Lois Lane – personnage qui, dans la série, est la cousine de Chloe -, ni Kristin Kreuk dans le rôle de Lana, qui fait passer tant d’émotion et de candeur par ses grands yeux si expressifs.

Enfin, une pensée très émue et admirative pour le grand Christopher Reeve, le Superman original du film de Richard Donner, qui a fait l’honneur de sa présence dans Smallville le temps d’un caméo magnifique ! Autre grand comédien qui nous a quittés, Rutger Hauer, complice de la période hollandaise de Paul Verhoeven et éternel androïde de Blade Runner, prête lui aussi son talent à Smallville.

Au-delà de la science-fiction, du récit adolescent et des super-héros, Smallville est une aventure humaine extraordinaire et, en 2022, une vraie redécouverte. La série fut aussi l’occasion (tardive) de découvrir Michael Rosenbaum, dont les « pouvoirs artistiques » s’expriment ailleurs que dans le show : auteur-compositeur de talent au sein du groupe SunSpin, il est également à la tête de l’excellent podcast Inside of you.

Toujours bien menés et bien construits, ces podcast permettent aux différents invités de révéler la part la plus humaine de leur métier – les épisodes avec Doug Jones, Robert Patrick ou plus récemment Will Wheaton sont autant de démonstrations de complicité et de chaleur humaine. Enfin, Michael Rosenbaum a lancé il y a quelques semaines Talkville où, en compagnie de Tom Welling, ils revoient et commentent un à un les épisodes de Smallville. Tous deux sont secondés par le très sympathique Ryan, habituel complice de Michael Rosenbaum qui pose un regard neuf sur Smallville, n’ayant jamais vu la série auparavant.

Autant de perles à mettre au crédit d’un comédien exceptionnel, encore aujourd’hui l’incarnation la plus touchante et complexe de Lex Luthor, tous médias confondus.

Dominique Mayfair

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