La Nuit du 12

Frustrant, La Nuit du 12 l’est, au meilleur sens du terme. Un carton introductif nous prévient d’emblée que l’affaire dont s’inspire le film de Dominik Moll est irrésolue. Qui ? Pourquoi ? Deux questions posées avec acharnement par les enquêteurs, en vain. Nous connaitrons seulement le « quand » et le « comment » : le 12 octobre 2016, Clara Royer, 21 ans, est assassinée en pleine rue par un individu non-identifié. La caméra de Dominik Moll capte la violence du drame avec un mélange d’empathie et de sidération, la victime s’enfuyant quelques mètres plus loin avant de s’effondrer, dans le silence de la nuit.

C’est cette même nuit du 12 octobre 2016 que Yohan Vivès (Bastien Bouillon, remarquable de force tranquille) est catapulté chef de la PJ de Grenoble. Lui et ses collègues fêtent le départ en retraite de leur ancien chef, ce soir-là. Gueule de bois au réveil, lorsqu’ils sont appelés sur les lieux du crime. Première affaire en tant que chef pour Vivès, et c’est justement celle-ci qui va le hanter. La frustration, au cinéma, est toujours un risque. Aux questions, on souhaite des réponses. Et pour les crimes commis, on attend un châtiment. Dans La Nuit du 12, la réalité ne rattrape pas la fiction : elle la possède, lui murmure des horreurs et rampe au gré des fausse-pistes.

Tout proche du réel qu’il soit, l’intérêt de La Nuit du 12 réside dans sa cinégénie. Magnifiant à la moindre occasion les montagnes de l’Isère, Dominik Moll pose puis maintient une ambiance visuelle et sonore captivante. Excellente idée, d’ailleurs, que d’avoir fait du héros taciturne un cycliste chevronné, qui s’épuise sur un circuit désert à la nuit tombée, tournant en rond sous l’oeil circonspect de son coéquipier incarné par Bouli Lanners. Manière très visuelle de caractériser un personnage stoïque, professionnel, mais pas infaillible.

Adapté de l’ouvrage 18.3 – Une année à la PJ de Pauline Guéna, La Nuit du 12 est un de ces rares films criminels dont on retient les victimes davantage que les coupables. Patiemment, Dominik Moll illustre sans faillir le scénario qu’il a coécrit avec Gilles Marchand, y compris lorsqu’il laisse s’exprimer le thème sous-jacent de la violence masculine – « Aucun des suspects n’était coupable, mais tous auraient pu le faire, c’est ça qui me rend malade », se confie Vivès trois ans après l’assassinat de Clara.

Dans la lignée de Zodiac et Memories of Murder, La Nuit du 12, on le sait d’avance, ne nous offrira aucune satisfaction d’ordre moral, aucun soulagement vindicatif. Mystère sans réponse, il laisse une trace émotionnelle forte, à l’image de la longue scène où deux policiers frappent chez les parents de Clara, pour leur annoncer le pire. Un grand moment de cinéma, qui mérite à lui seul la vision de ce thriller sobre et intense.

Guillaume Banniard

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