Josep

Long-métrage d’animation français, Josep évoque l’exode des républicains espagnols suite à la guerre civile qui a divisé le pays en 1936. Aurel, dessinateur de presse reconnu, se penche sur le destin de ces hommes et femmes obligés de franchir les Pyrénées pour fuir une patrie désormée fasciste et trouver refuge en France, à la veille de la Seconde guerre mondiale.

Un adolescent, de nos jours, se rend au chevet de son grand-père mourant. Valentin, inspiré par un croquis encadré et accroché au mur de la chambre de son aïeul, se met à griffoner sur son carnet. Le vieillard, de son lit, observe son petit-fils et décide de lui raconter l’histoire de ce visage émacié, de cette bouche entrouverte qui horrifie tant la mère du jeune homme et la fille du vieillard. Serge, saisissant ce qu’il sait être la dernière occasion de se raconter, remonte le temps…

Hiver 1939. Jeune gendarme français, le grand-père de Valentin est gardien dans un camp de réfugiés où sont parqués les opposants au régime franquiste – dont un dessinateur, Josep. À la veille de la seconde guerre mondiale, Aurel montre à travers le rapprochement de ces deux hommes comment et pourquoi l’Europe s’est divisée. Pendant deux décennies, les relations entre les pays frères, les luttes intestines, ont provoqué des situations où l’humanité n’a pas toujours su montrer son visage le plus séduisant. L’arrivée au pouvoir dans de nombreux pays d’hommes « forts », autoritaristes, a exacerbé la haine, la bassesse et la peur jusque dans les pays dont les dirigeants ne se nomment pas Hitler, Salazar, Franco ou Mussolini.

Techniquement, on pense inévitablement à La Passion Van Gogh de Dorota Kobiela et Hugh Welchman puisque le créateur se sert du style et de l’oeuvre du personnage  pour unir la grande et la petite histoire à travers l’existence d’un artiste. Du crayon noir aux aplats colorés, Aurel use de différents outils picturaux selon l’époque abordée, chacun illustrant un monde, une atmosphère différents des précédent.

En évoquant par ce biais la réalité du conflit, les auteurs des deux films transforment leurs oeuvres en témoignages historiques. La mise en images épouse ainsi le point de vue du narrateur, point de vue qui est d’ailleurs l’un des points forts de Josep. Soyons honnêtes, les premières minutes font craindre une fiction propre sur elle, avec sa descritpion franchouillarde des gendarmes et celle, brève mais autant caricaturale, d’un Français moyen tout aussi réfractaire à l’accueil des exilés. Josep a beau durer une petite heure quinze, il se rattrape magistralement par la suite et lit entre les lignes des archétypes. Adoptant le point de vue du jeune gendarme narrateur, et non celui de Josep, le récit balaye ainsi les étiquettes de tract ACAB et de procès pour xénéophobie à l’encontre de la France entière.

Si Josep est un film d’animation magnifique, ce n’est pas pour autant une oeuvre pour le jeune public. À l’instar de son protagoniste, Aurel utilise le dessin comme outil de résistance, le crayon comme arme à détruire le fascisme. En ce sens, Josep se rapproche de l’adaption que Zabou Breitman a réalisé du roman Les hirondelles de Kaboul – le romancier Yasmina Khadra y adoptait certes quatre points de vue différents sur la capitale afghane, mais sa version filmée partage avec Josep une même aisance à sublimer un passé douloureux.

Compte tenu de cette approche, le travail de recherche donne aux dessins la force d’un documentaire, jusque dans son évocation des tirailleurs sénégalais. La liberté offerte par l’animation est un extraordinaire champ des possibles pour faire passer des messages d’importance, en impliquant plus durablement les spectateurs. Parmi les nombreuses images qui restent en mémoire après la séance, citons celle des retrouvailles de deux amis au Mexique, les hommes repeignant la façade bleue de la maison de Frida Khalo, artiste-peintre qui est ici elle-même dessinée, colorisée et animée – écho discret mais puissant des liens entre passé et présent, documentaire et cinéma d’animation, que tisse Josep.

Guillaume Banniard et Muriel Cinque

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