Après le très réussi et médiatisé Grace à Dieu, François Ozon nous revient avec une œuvre estivale, à la fois lumineuse et hantée par la mort. En même temps poème initiatique et drame adolescent, Eté 85 raconte la rencontre de deux jeunes gens sur les mélodies envoûtantes de The Cure. Le cinéaste choisit pour son 19ème long métrage, d’adapter un roman lu l’été de ses 17 ans et dont il désirait faire son premier film. 35 ans après, le scénario déplace ses protagonistes en France tout en invitant l’Angleterre à sa table.
Le jeune duo d’acteurs fait une fois de plus chez Ozon des étincelles. Alexis, dit Alex, est un adolescent rêveur, qui a du mal à trouver sa place entre sa mère effacée et son père rigide et autoritaire. Obsédé par la mort en général et les rites funéraires en particulier, il apporte un côté sombre à ce film solaire hanté par la peur de l’inéluctable, face à l’insouciance de son cointerprète. C’est d’ailleurs en échappant à une mort par noyade qu’il fera la connaissance providentielle de David – interprété par Benjamin Voisin, fort remarqué en frère ainé déjà fantôme dans Un vrai bonhomme. Orphelin de père et affublé d’une mère abusive, ce dernier brûle la vie par les deux bouts, se grisant de sexe, de vitesse et d’alcool.
Prenant son plaisir où il le trouve, une liaison ne tarde pas à débuter entre les deux garçons. Sauf que les deux ne sont pas au même stade de leur vie, n’ont pas les mêmes expériences et n’attendent pas la même chose l’un de l’autre. Dès lors, l’implication de chacun ne sera pas équivalente et l’apparition de Philippine Velge, fille au pair anglaise, en semeuse de trouble autant que de réconfort sèmera la graine fatale de la discorde entre les amants.
Le défaut majeur de ce métrage est, paradoxalement, son aspect trop littéraire. La voix off présente à l’excès, le principe du flashback explicatif, la dissertation/confession ordonnée par un Melvil Poupaud impeccable en prof de lettres aussi attentif qu’ambiguë… Dans le sujet comme dans le traitement, c’est la communication qui pèche, entre parents et enfant et avec les autorités. L’enjeu pour Alexis est de trouver les mots pour dire ce qu’il ressent, de gré ou de force.
Incapable de parler, il se voit obligé de s’expliquer par écrit avec la lourde symbolique de la machine à écrire. Le poids de l’objet, le poids des mots, le poids des sentiments, de la culpabilité… Il doit s’expliquer, mais quelle faute a t’il commise ? Le spectateur le comprendra au fil de l’histoire via un mensonge par omission sur lequel Ozon ouvre volontairement son film. Le titre du roman Dancing on my grave d’Aidan Chambers, si cher au réalisateur, donne bien sûr la clé du mystère. Alex a dù choisir entre respecter une loi édictée pour tous et une promesse faite à son amant.
La justice, en exigeant de comprendre cet acte d’amour, s’immisce dans l’intimité des deux jeunes gens, leur vole leur histoire. Comme si le monde des adultes, à l’instar du père de l’adolescent, lui refusait toute individualité, violait sa psyché pour voiler sa propre étroitesse d’esprit. Ozon offre ainsi un très beau film sur les premières amours, la découverte de la sexualité, mais s’il semble intimidé par l’oeuvre originale.
Muriel Cinque
Excellent compte rendu d’un film que je découvre ce soir.
Merci et Bravo.
Benjamin Voisin a encore fait un bout de chemin depuis.
Hâte de découvrir ses nouveaux projets.
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