Unbelievable

« Basée sur des faits réels auxquels personne n’a cru». La phrase d’accroche de la série tombe sous le sens, Unbelivebale s’intéressant à un personnage coupable d’être victime.

Jeune femme de 18 ans, Marie Adler vit en marge de la bonne société depuis déjà longtemps. Passant d’une famille d’accueil à une autre depuis sa plus tendre enfance, elle trouve enfin un semblant de stabilité dans un logement en foyer surveillé. Aussi, lorsqu’elle se fait agresser sexuellement, sa parole est d’office remise en cause. Son passif, son agressivité à fleur de peau, son insécurité perpétuelle, sa confusion, sont pour la police autant de preuves de son mensonge.  Son témoignage, affaibli par la fragilité de la jeune femme, n’est pas reçu comme crédible. Poussée par le lieutenant et son ancienne mère adoptive, Marie se rétracte, cède à la pression d’une condamnation pour faux témoignage et dit avoir menti dans sa déclaration. Marie est donc non seulement victime de son agresseur mais aussi et surtout d’un système sexiste et défaillant – le statut de victime lui est refusé, de même que le droit de se reconstruire.

Cette affaire est le point de départ d’une fiction en huit épisodes qui traite de l’histoire vraie d’une adolescente américaine. L’enquête relatée ici narre une série de viols commis dans l’Etat de Washington entre 2008 et 2011. Susannah Grant, scénariste d’Erin Brokovich, s’est servie d’un article paru en 2015, couronné notamment du prix Pulitzer, en utilisant cette affaire pour illustrer la valence différentielle des sexes [1], autrement dit la domination institutionnalisée des hommes sur les femmes. Cette théorie explicite les mécanismes faisant que la parole et les arguments d’une femme auront toujours moins de poids que ceux d’un homme, même si elle se montre plus compétente que ce dernier.

Projet audacieux, Unbelievable  a pour elle un propos nécessaire qui n’est pas son seul atout. Produite par la plateforme Netflix, cette mini série bénéficie d’un trio d’actrices remarquable, Toni Collette (Muriel, Hérédité) en tête. Elle incarne avec conviction Grace Rassmussen, agent de police extrêmement déterminée devant faire face, à titre personnel, au comportement déplacé de certains collègues. Elle fait la connaissance de Karen Duvall (Merrit Wever) moins impliquée dans la lutte contre les crimes sexuels mais dont la sensibilité, la compassion et l’écoute des victimes vont faire merveille.

La collaboration entre ces deux femmes aux caractères et méthodes opposés commencera difficilement mais leur union face à l’incompétence, l’indifférence de leurs homologues masculins donne au récit un intérêt supplémentaire. Sur plusieurs années, elles mettront en lumière des points communs entre de nombreuses affaires et remonteront jusqu’à l’agresseur de la jeune Marie.

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La persistance des clichés nauséabonds sur les victimes de viols n’étant pas reléguée au second plan, les trois créateurs de la série, Susannah Grant,  Michael Chabon et Ayelet Waldman s’emploient à esquisser tout le chemin à parcourir au sein des forces de l’ordre pour trouver l’humanité nécessaire au traitement de ces cas si spécifiques, où la victime subit une seconde humiliation au moment de mettre des mots sur son traumatisme.

Projet militant, Unbelievable est néanmoins une œuvre à part entière. La mise en scène de l’insoutenable, les ressorts dramatiques de l’enquête à la fois difficile et entravée sont dignes des meilleures thrillers judiciaires. L’écriture des personnages, l’humanité de leur traitement, le déroulement des trois années de collaboration de ces deux femmes ; si tout est rendu de façon à ce que la vérité prime sur le suspense, Unbelievable y gagne une authenticité qui la rend encore plus captivante, revenant avec tact sur trois années au cours desquelles la première victime sera niée dans ses souffrances, rejetée, isolée et reléguée à un statut culpabilisant de mythomane asociale.

Muriel Cinque

[1] Notion née sous la plume de l’anthropologue Françoise Héritier.

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7 réflexions sur “Unbelievable

  1. Merci de mettre si brillamment cette production en avant. Ce fut plus qu’une claque mais une révélation. Toni Collette est formidable bien sûr mais Kaytlin Dever est déchirante. Elle confirme son talent dans Booksmart, un teen movie très dans l’air du temps.

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  2. Super !
    Même si en ces temps difficiles pour la culture, il faut mettre en avant les films sortant en salle, c’est une œuvre importante en ces temps où la parole des femmes est encore inaudible.
    Merci pour ce travail même si c’est Netflix.

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  3. Bonjour
    Excellent texte, critique passionnante et remarquablement écrit.
    Attention les fautes de frappe. Manquent un E et un R.
    Félicitations à l’auteure pour le travail

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    1. Compliments transmis à la rédactrice, un grand merci pour votre lecture et votre retour Gilles – ainsi que pour les fautes de frappe, enfin corrigées.

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