10 films à voir pour Halloween

Sans ordre de préférence, dix recommandations pour le 31 octobre, entre huis clos tendus, remakes sauvages et suites hallucinées.

1. Evil Dead (Fede Álvarez, 2013) – États-Unis

Le Evil Dead original de Sam Raimi a gagné depuis longtemps ses galons de film fondateur, et il suffit de se rendre dans une séance rétrospective pour constater que rien n’a bougé. Toujours le même plaisir malgré ses effets spéciaux d’un autre âge, et toujours la même excitation face aux cadres inventifs du futur réalisateur de Darkman et Spider-Man.

Mais une frustration demeurait pour ceux qui ne connaîtront jamais la joie de découvrir Evil Dead dans les années 1980. Gloire soit donc rendue à Fede Alvarez pour s’être attaqué, dès son premier long, à un remake plus cossu. Chapeauté par Raimi en personne, cette nouvelle mouture s’approprie le matériau d’origine et convie ses spectateurs à un tour de manège techniquement imparable, jusqu’à un climax somptueux de barbarie.

Certes, on regrette qu’Alvarez n’ait pas exploité sa meilleure idée (l’addiction à la drogue) mais le film dépasse allègrement les attentes et imprime la rétine. Jugé hérétique, ce remake est pourtant le candidat idéal pour une soirée Halloween digne de ce nom.

Evil Dead

2. The Loved Ones (Sean Byrne, 2010) – Australie

Quand Brent rencontre Lola le jour du bal de fin d’année, ils tombent amoureux. Lola invite Brent chez elle. Il accepte. Il va le regretter.

Avec un tel pitch, The Loved Ones enfonce les portes ouvertes du torture porn. Quant à son dispositif scénique a priori sommaire (une pièce, une table, quelques chaises), il aurait très bien pu aller braconner du côté des Guniea Pig, illustration parmi les moins sophistiquées du genre.

Bien décidé à ne pas à en rester là, le réalisateur et scénariste Sean Byrne soigne sa copie jusque dans les détails – à mi-chemin entre bicoque un peu pourrie et maison de poupée en désordre, la direction artistique vise toujours juste -, magnifie ses décors naturels et tire le meilleur de comédiens investis dans cette farce cruelle.

Rondement mené, The Loved Ones nous prend par le col avec une assurance inouïe. Côté couleurs, c’est aussi acidulé que Kaboom de Gregg Araki. Côté ambiance, c’est l’un des très rares films à avoir poussé à fond sa logique d’hommage à Massacre à la tronçonneuse, le film étirant une simple scène de repas sur près d’une heure, pour le grand malheur de l’invité surprise.

The Loved Ones

3. Les Feebles (Peter Jackson, 1989) – Nouvelle-Zélande

De Peter Jackson, il serait plus logique de citer Braindead, monument de comédie gore qu’on ne présente plus. Mettons plutôt à l’honneur son grand frère, Meet the Feebles, tourné faute d’avoir réuni à temps les fonds nécessaires à Braindead. Défi technique, ce film-là fut une épreuve à mettre en images à cause de ses marionnettes, d’un délai restreint et d’un plateau inconfortable, hangar aux températures très basses.

L’homme retiendra la leçon et préparera Braindead dans ses moindres détails. Fruit d’une fabrication difficile, Les Feebles est son film le plus méchant. Parodie concupiscente, crasseuse et vérolée du Muppet Show, Les Feebles accumule les gags odieux, les prouesses chorégraphiques et les grossièretés jusqu’à un climax désespéré où, sous le vernis trash, éclate une pointe d’émotion. L’horreur, ici, c’est celle du show business, poussée à son paroxysme.

Les Feebles

4. Le Dernier train de la nuit (Aldo Lado, 1975) – Italie

Deux amies, un trajet ferroviaire, des inconnus. La nuit va être longue.

Dérivé de La Dernière maison sur la gauche, ce shocker italien troque l’univers campagnard du film de Wes Craven pour une unité de lieu nettement plus oppressante.

Car la confrontation entre les jeunes filles et leurs agresseurs, situation vue mille fois, débouche ici sur un huis clos en mouvement qui fait perdre toute notion du temps. En prime, les deux hommes malveillants se révèlent en réalité aux ordres d’une femme mystérieuse et jamais nommée, génialement interprétée par Macha Méril, comédienne également vu chez Jean-Luc Godard, Rainer W. Fassbinder, Maurice Pialat ou encore Dario Argento.

S’il n’est pas considéré comme un classique, on est en droit de trouver le film d’Aldo Lado bien supérieur à La Dernière maison sur la gauche, son utilisation des décors, sa montée en tension et ses couleurs vives lui donnant un cachet lugubre, envoûtant.

Le Dernier train de la nuit

5. Halloween II (Rob Zombie, 2007) – États-Unis

Dans la famille Halloween, chérissons le plus pouilleux, le plus allergique aux traditions. Halloween II prend son temps, erre, et cauchemarde à l’envi.

Concurrent de son frère d’armes Jason Voorhees, Michael Myers n’a de son côté jamais connu de déclinaison ouvertement clownesque, y compris le triste Halloween Resurrection où il venait perturber le tournage d’une télé-réalité. En conflit avec ses producteurs, le fondateur du groupe White Zombie tape dans la déambulation spectrale matinée de violence barbare, et raconte autant l’histoire de Myers que celle de sa place dans l’inconscient collectif. Il ose même faire tomber le masque de Michael, dans un ultime doigt d’honneur à ses prédécesseurs.

Prétentieux ? Plutôt salvateur, indomptable, et finalement aussi intègre que le film original de John Carpenter alors qu’il en est l’enfant illégitime, difforme.

En donnant suite à son propre remake sorti en 2007, Rob Zombie signe un vrai morceau d’horreur affranchie. On sort lessivé par tant de colère et d’errances, la narration faisant partager au public les visions et angoisses du boogeyman de Big John.

Halloween 2

6. Angoisse (Bigas Luna, 1987) – Espagne

Le quotidien d’un étrange ophtalmologue vivant sous la coupe d’une mère castratrice.

SURTOUT, n’en lisez pas plus ailleurs et n’allez pas voir la bande-annonce. Film à twist comme on en fait plus, Angoisse réclame de revenir à l’époque de sa sortie pour l’apprécier à sa juste valeur, sans information.

Sachez simplement que derrière ce pitch à la Psychose se cache un exercice de style jubilatoire, où les névroses du personnage principal se répercutent sur l’ensemble de la mise en scène (spirales vertigineuses, couleurs signifiantes, bruitages exacerbés), au fil d’un montage des plus inventifs.

Frustrant de ne pas en dire davantage mais l’inverse serait criminel. Le plaisir de découvrir les méandres de ce thriller ludique n’a pas de prix, surtout avec l’interprétation formidable de Zelda Rubinstein (la medium de Poltergeist, c’était elle) et Michael Lerner, lancés dans une glaçante relation mère-fils.

Angoisse

7. The Wicker Man (Robin Hardy, 1973) – Royaume-Uni

Parti sur l’île de Summerisle enquêter sur une disparition, le sergent Neil Howie va se heurter à une communauté repliée sur elle-même.

Merveille de suspense psychologique, The Wicker Man compte parmi ces films, tel Wake in Fright de Ted Kotcheff, où l’on a constamment l’impression de mettre un pied là où on ne devrait pas, d’avancer à tâtons dans un univers dont on ne maîtrise ni les codes sociaux, ni les racines culturelles. Pourtant, on continue de s’embourber, trop curieux de savoir ce qui se trame.

Inspiration évidente du futur Midsommar, The Wicker Man n’est pas un film d’horreur mais il est plus angoissant que bien des bandes horrifiques. Ce n’est pas un pur thriller, pourtant il exhale un mystère tenace et addictif. Ce n’est pas non plus un drame social, néanmoins il procure une émotion bien réelle, mélange d’appréhension et de plaisir qui culmine dans son crescendo final.

Sir Christopher Lee, ici dans le rôle d’un des chefs de la communauté de l’île, considérait ce film comme un des meilleurs auxquels il ait participé. Le réalisateur Robin Hardy nous a quitté courant 2016, moins d’un an après le comédien. Parions que là où il sont, il ne peuvent rêver plus bel hommage que la découverte, par de nouveaux spectateurs, de ce bijou funeste.

Analyse du film par Thomas Aunay

The Wicker Man

8. Dream Home (Pang Ho-Cheung, 2010) – Hong-Kong

Afin d’obtenir l’appartement de ses rêves et enfin quitter son HLM, une jeune femme massacre les occupants d’un immeuble pour faire chuter les loyers.

Tiré d’une histoire vraie (!), Dream Home fait allégeance à la Category III, cette classification créée en 1988 qui regroupait les films trop extrêmes et offensants, comme Ebola Syndrom ou Raped by an angel. Autant dire que le résultat repeint les murs façon Jackson Pollock, à un détail près : sa mise en scène techniquement irréprochable l’éloigne de ses ancêtres, et le scénario s’offre une structure en flash-back où le passé de l’héroïne (excellente Josie Ho), victime du mal-logement, fait écho à ses actes ignobles.

Et si la violence s’avère tellement outrancière et inventive dans sa cruauté qu’elle prête à rire (le meurtre avec l’aspirateur, fallait y penser !), Dream Home alterne l’intime et le grand-guignol sans trop chercher un véritable équilibre (témoins les saillies humoristiques du dernier appartement), passant du drame familial au slasher gratiné.

Dream Home

9. Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? (Robert Aldrich, 1962) – États-Unis

L’angoisse absolue, sans être de l’horreur.

Deux sœurs, Jane et Blanche Hudson. Jane, chanteuse, est une enfant vedette des années vingt. On la surnomme Baby Jane. Passée l’adolescence, le public l’a oubliée et c’est Blanche, comédienne, qui devient célèbre à son tour. Un accident de voiture met fin à sa carrière. La voilà en fauteuil, aux bons soins de Jane.

Un huis clos sur la domination d’un personnage par son plus proche parent. La dépendance physique, la manipulation, la rancœur et une jeunesse passée depuis longtemps. Tout ça sous le même toit. La haine infuse les gestes et les traits de Bette Davis et Joan Crawford, au sommet de leur talent. Ni film d’horreur ni film d’épouvante, Qu’est-il a arrivé à Baby Jane ? met sur les nerfs avec une intelligence rare.

L’épilogue, d’une cruauté sans fin, clôt avec fracas ces deux heures passées en compagnie d’un monstre de jalousie.

Qu’est-il a arrivé à Baby Jane ?

10. Ghostland (Pascal Laugier, 2017) – France/États-Unis

Réalisateur de Saint-Ange, Martyrs et The Secret, Pascal Laugier ne cache pas son goût pour un cinéma sans cynisme, qui croit pleinement à ce qu’il raconte. Comme le regretté William Friedkin, il éprouve une fascination pour cette « zone grise » où la morale vacille.

Credo maintenu avec Ghostland. Une mère et ses deux filles roulent vers une maison de famille isolée, mais aussi encombrée, débordante de bibelots, d’artefacts. Un décor simple en apparence mais fascinant dans le détail, à l’image du film.

Ghostland, en surface, est un home invasion traditionnel où deux sadiques pénètrent une bicoque. Il prend un virage inattendu pour creuser les séquelles psychologiques des personnages. Ne cherchant pas à raconter davantage que ce que perçoivent ses héroïnes, Pascal Laugier reste à leurs côtés, y compris lorsqu’il transforme une chambre en tableau cauchemardesque.

Poignant et très franc dans sa violence, Ghostland est un modèle de film de monstres à visage humain.

Notre entretien avec Pascal Laugier, page 58

Ghostland

Et joyeux Halloween !

Classement réalisé par Guillaume Banniard

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