Tomoe

Les années 2010 puis 2020 sont une drôle de période, tant les cinéphiles trentenaires y cherchent à tout prix un héritier à leurs héros de jeunesse. Ainsi, il ne se passe plus une année sans qu’on clame avoir trouvé « le nouveau Miyazaki », « le digne héritier de Spielberg » ou encore « la relève de Martin Scorsese », quand bien même lesdits cinéastes sont toujours en vie, et toujours actifs.

Si le besoin de se trouver des idoles transforme de fervents passionnés en fossoyeurs impatients, l’amour d’un cinéma disparu ou en passe de l’être est, aussi, un merveilleux moteur créatif. Armée d’un respect palpable envers un genre à ressusciter, tournée en langue étrangère et se déroulant dans le Japon du XIXème siècle, Tomoe demeure une production française, filmée en Charente et dans le département du Gard.

Film de sabre intimiste, Tomoe est l’histoire (et le prénom) d’une fillette sauvée puis recueillie par un maître d’armes dont elle devient la disciple. Une fois adulte, Tomoe brûle d’affronter son maître, combat que le vieil homme lui refuse, malgré les années d’entraînement de son élève. Vivant avec eux en pleine nature, un petit garçon est témoin des frustrations de la jeune femme, dont l’ardeur au combat est sans cesse réprimée.

Récit sur l’affirmation de soi, Tomoe reflète les qualités de son héroïne : concentration et rigueur. Pas un plan qui ne trahisse la « vraie » nationalité du film. Pas un accessoire qui ne semble effectivement sortir de l’ère Edo. Et, surtout, un décor coupé du monde qui, pas un instant, ne laisse penser au spectateur qu’il a été choisi par contrainte budgétaire. Visuellement magnifique, Tomoe donne en permanence l’impression que son univers s’étend au-delà du cadre.

La bande-annonce montée par Yohan Granara.

Portrait de femme dont la mise en scène accorde autant d’importance au mouvement qu’à l’immobile, porté par l’élégance de sa direction artistique et la conviction de ses comédiens, Tomoe est à ça de franchir la frontière du court-métrage, sa durée de 29 minutes le rapprochant d’un moyen-métrage.

Lorsqu’arrive le générique de fin, on se prend à rêver de suivre ses personnages sur les routes, à la manière de la saga Baby Cart. Au lieu de craindre la mort du cinéma qu’elle aime, la réalisatrice Marine Hébert lui a plutôt offert, avec ce premier film, une somptueuse porte d’entrée.

Entretien avec Marine Hébert

Guillaume Banniard

3 réflexions sur “Tomoe

  1. Horrible ! Terrifiant ! Magnifique ! En ces temps de dénonciations souvent convenues, en voilà une pas piquée des vers ! Et oui, la femme n’est plus l’avenir de l’homme comme l’ânonnait jadis un pleutre homo mais sa fin, tout en restant souvent sa faim. Il n’y a qu’une femme pour mettre à bas la stupidité d’un idéal, de la compétition et démontrer la faiblesse inhérente du dominateur.
    Et tout cela dans une écriture sublime. Quand l’artifice, je veux dire quand l’art nous flanque en plein gueule, en plein cœur de la beauté tranchante comme…

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    1. « tranchante comme… » un sabre, sans doute ? 🙂 Un grand merci pour avoir pris le temps de commenter, on fera part de votre avis à la réalisatrice, qui est toujours en quête de regards extérieur sur son travail. Quel plaisir, en tous cas, de savoir que Tomoe rencontre peu à peu son public!

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